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Le blog des séries vous permet d'en apprendre plus sur vos séries cultes préférées, grâce à des articles ou publications.

Dallas . Grandeurs et decadences de la famille Ewing.

Voici un article de Thierry Lepeut paru en 2003 dans le fanzine " Arrêt sur séries  " et disponible également sur le blog du même nom Ici

 

On avait coutume de dire, dans le Hollywood d'antan, qu’une série asseyait son succès lorsqu’elle dépassait la centaine d’épisodes, ce qui arrivait en général lors de la cinquième saison. Le chiffre cinq servait donc de base à la plupart des contrats de séries : les acteurs étaient engagés pour cinq ans, et l’on annonçait, souvent, que telle nouvelle série durerait cinq ans, quitte à rallonger la sauce si la mayonnaise avait bien monté. X-Files devait donc s’arrêter au bout de cinq ans, avant que le culte généré par la série convainque les responsables du programme de la poursuivre au-delà. Babylon 5, en revanche, respecta son contrat de cinq ans, même si une autre série, intituléeCrusade, devait lui servir de prolongement. De même,Invasion Planète Terre, lancée en 1998, prévoyait de s’étendre sur cinq saisons - ce qu'elle fit.

Mais si le chiffre cinq sert de repère, c’est aussi parce qu’il est courant que ce cap annonce une baisse sensible de qualité. L’essoufflement, tant de l’équipe créatrice que du public, la renégociation, aussi, des contrats des acteurs, sont les facteurs essentiels de cette baisse de régime. Et il est vrai que beaucoup de séries ayant atteint cette cinquième saison fatidique ne vont pas plus loin : ce fut le cas de Miami Vice ou des Rues de San Francisco. Parfois, un changement important dans la distribution entraîne la désaffection irrémédiable du public, habitué à des visages qu’il a adoptés :CHiPs, la série-poster des années 1977-1983, s’est ainsi arrêtée après le départ de l’une de ses vedettes, comme Les Rues de San Francisco après l’abandon de Michael Douglas.

Dallas n’échappera pas à tout cela. Si la série tient encore la première place en 1984, après six ans d’existence, elle la perd alors définitivement, et commence sa traversée du désert, jusqu’à l’arrêt du programme en 1991. Pendant ces sept années supplémentaires, c’est un parcours semé d’embûches et de bouleversements qui attend les producteurs de ce qui fut, au début de la décennie quatre-vingt, un phénomène de société.

 

La mort de Jock

En 1981, la série, devenue un soap du soir très populaire, est au mieux de sa forme. Elle vient de renforcer sa position de leader grâce à la folie générée par l’attentat contre J.R., et le titre de l’épisode-charnière de mi-saison, « Le bout du chemin », n’a a priori rien de prémonitoire. Ce pourrait bien être le cas, en revanche, de l’épisode « De gros nuages ». Diffusé le 27 mars 1981 sur CBS, cet épisode est le premier tourné sans Jim Davis, le rude Jock Ewing. Depuis quelques semaines, en effet, l’acteur était malade, et son état de santé n’avait fait que s’aggraver. Hospitalisé à la fin du mois de mars, après avoir mis un point d’honneur à rester fidèle au poste malgré la douleur visible sur ses traits, il devait mourir le 26 avril, d’un ulcère à l’estomac. Sa disparition fut, raconte-t-on, un choc pour toute l’équipe, comme pour le public. Pendant les semaines de sa maladie, il n’apparaissait plus qu’assis à l’écran, mais chacun espérait qu’il irait mieux. Et voilà qu’il tirait brutalement sa révérence, après une résistance à l’image du caractère farouche et âpre de son personnage.

Pour pallier l’absence, imprévisible, de Jock Ewing à l’écran, les scénaristes préparent une reprise en béton. Les épisodes de la rentrée 1981 sont riches en rebondissements et en action, et très vite, comme pour réagir à la disparition du patriarche, expédié pour l’instant à l’étranger pour régler d’imprécises affaires, le personnage d’Ellie s’affirme comme le nouveau garde-fou face aux intrigues de J.R. Parallèlement, en attendant d’introduire la mort de Jock dans l’histoire, une sorte de figure de substitution est développée avec le personnage de Clayton Farlow, qui deviendra l’interlocuteur privilégié d’Ellie pendant cette saison, et les suivantes. En fait, les scénarios des premiers épisodes de la nouvelle saison étant déjà écrits lorsque la disparition de Jim Davis frappa l’équipe de la série, il fallait attendre la mi-saison pour y inclure la mort du personnage. De voyage d’affaires en expédition de reconnaissance en Amérique du Sud, Jock est donc retenu loin de Dallas pendant douze épisodes, malgré le caractère improbable de cette absence au regard des événements qui secouent Southfork au même moment.

 

 

Enfin, Dallas se décide à affronter l’événement. Après dix-sept épisodes sans Jim Davis, la dernière séquence de l’épisode « La réception », symboliquement diffusé le 1er janvier 1982, comme pour marquer le début d’une nouvelle ère, annonce la terrible nouvelle : Jock a disparu dans un accident d’hélicoptère en Amérique du Sud. A l’écran sont réunis les deux personnages que ce bouleversement affectera le plus, Ellie et J.R. L’épisode suivant, le quatre-vingt-dixième, intitulé « La recherche », est un épisode-clip, constitué en grande partie de scènes extraites d’anciens segments, où l’on revoit quelques moments essentiels vécus avec la figure du patriarche. A la fin de cet hommage rendu par l’équipe à la fois à l’acteur et au personnage, le nom du comédien apparaît sur un portrait de lui avec ses années de naissance et de décès. Ce portrait, désormais, sera omniprésent dans la série, comme le dépositaire de la mémoire de Jock. Celui-ci ne sera pas remplacé car, de l’avis de tous, Jim Davis ne peut être remplacé.

La disparition de Jim Davis est le premier bouleversement important de la distribution initiale de la série. S’il n’a pas affecté immédiatement l’audience de celle-ci, alors en pleine gloire, il n’en sera pas de même des bouleversements suivants, qui en réduisant la présence de la « famille » originelle porteront atteinte, de plus en plus, à l’identité du programme.

 

Ellie...ptique !

Avec la saison 1982-1983, Dallas perd sa suprématie dans les sondages. La famille, clef de voûte de la série, commence à imploser : alors que Sue Ellen et J.R. continuent de se retrouver et de se déchirer, ce qui devient passablement répétitif, Bobby et Pamela, lecouple du show, connaissent les affres du divorce à cause des intrigues de J.R. et de Katherine, la demi-sœur de Pam. Ellie, quant à elle, est courtisée par Dale Robertson, un vieux cheval des programmes westerns, ancienne vedette notamment du Cheval de Fer et l’une des figures dominantes de la première saison de Dynasty en 1981. Le personnage de Clayton Farlow, néanmoins, s’affirme de plus en plus comme le successeur éventuel de Jock dans le cœur encore endolori de maman Ewing. Si les intrigues de cette saison ne manquent pas, une fois encore, d’intensité dramatique et sont ponctuées de quelques moments forts, le public pourtant est moins réceptif, et la présence au générique de Lois Chiles, James-Bond Girl de Moonraker, ne suffit pas à attirer de nouveaux fidèles. Le suspense traditionnel de fin de saison choisit donc de frapper fort, en montrant J.R., Ray, Sue Ellen et le petit John Ross prisonniers des flammes qui ravagent Southfork.

 

 

De fait, la saison suivante marque le retour de Dallas au sommet des indices d’écoute. Orchestrée par Leonard Katzman, Arthur Bernard Lewis et David Paulsen, uniques scénaristes de la saison alors que l’équipe en comptait en moyenne huit jusque-là, elle semble en effet donner un nouvel essor à l’histoire : Bobby et Pam, divorcés, connaissent chacun une nouvelle histoire d’amour, sans pour autant avoir accepté leur séparation ; Ray est jugé pour le meurtre de son neveu Mickey Trotter, dont il a débranché les appareils qui le maintenaient en vie après un accident provoqué par un ennemi de J.R. ; celui-ci reprend de plus belle sa lutte héréditaire contre Cliff Barnes ; quant à Sue Ellen, elle est l’objet de toutes les attentions d’un étudiant interprété par le jeune et beau Christopher Atkins, tout frais sorti du Lagon Bleu de Randal Kleiser qui l’a révélé au cinéma, et auquel s’intéresse beaucoup Lucy, fragilisée par la perte de Mickey qu’elle devait épouser. Ouf ! Tout cela occasionne bien du bruit et des passions dans le petit monde de Southfork, et l’ensemble parvient à maintenir en haleine les fans de la première heure, tout en attirant de nouveaux fidèles.

 

Sue Ellen (Linda Gray, 43 ans) vit une romance avec le beau Peter (Christopher Atkins, 22)

 

L’euphorie, cependant, ne durera pas. Déjà, on remarque l’absence, dans une partie des épisodes, de Barbara Bel Geddes, alias Ellie Ewing. Victime de problèmes de santé, l’actrice a pris quelques distances avec le rythme éprouvant du tournage, et l’on dit même qu’elle va abandonner la série. Son retour à mi-saison dément la rumeur, mais pour un temps seulement : l’année suivante, en effet, Barbara Bel Geddes quitte le show. Les scénaristes (toujours le trio magique) envoient Ellie en voyage de noces avec Clayton, qu’elle a fini par épouser, et les fidèles ont la désagréable surprise, à son retour, de découvrir qu’elle a ... changé de visage ! Les producteurs, en effet, ont remplacé la comédienne par Donna Reed, une ancienne tête d’affiche, connue notamment pour avoir donné la réplique à James Stewart dans La vie est belle de Frank Capra. Malheureusement, ni le public ni l’équipe des acteurs n’arrivent à accepter la nouvelle venue, qui sera remerciée en fin de saison.

Au même moment, Charlene Tilton, qui depuis le premier épisode prêtait ses traits poupons à la petite Lucy, devenue grande, tire elle aussi sa révérence. Son personnage, finalement, n’aura jamais été extrêmement développé, et depuis longtemps déjà elle devait se contenter de jouer les éternelles victimes d’amours malheureuses aux dénouements tragiques. Ironie du sort, elle quitte la série justement lorsque son horizon sentimental s’illumine enfin, pour suivre à Atlanta son médecin de mari, Mitch Cooper.

Les deux visages d'Ellie : Barbara Bel Geddes, l'originale, et Donna Reed, qui la remplacera le temps d'une saison (1984-1985)

 

Le cauchemar de Pamela

Mais le coup de grâce est donné par Patrick Duffy, qui décide, à la fin de cette même saison 1984-1985, d’abandonner le personnage de Bobby pour aller tenter sa chance ailleurs, visant peut-être un succès au cinéma. Il insiste, lui, pour que son personnage fasse une sortie remarquée et digne. Katzman se charge donc lui-même d’écrire le dernier épisode de la saison, intitulé « Le chant du cygne », un épisode d’une durée exceptionnelle de soixante-quinze minutes qui se termine sur la mort de Bobby. Consternation dans les chaumières comme dans la famille Ewing, d’autant qu’à la fin de la saison précédente Bobby avait déjà failli mourir, victime d’un attentat similaire à celui de son frérot en 1980. Mais là, ça n’est pas une blague : Bobby est vraiment mort. Enfin, c’est ce qu’on croit...

En attendant, le départ de Duffy s’accompagne de bouleversements dans l’équipe créative de la série. Katzman prend ses distances, se contentant d’écrire quatre scénarios pour la saison 1985-1986, sans réaliser aucun épisode. Lewis et David Paulsen s’en vont eux aussi, et les rênes de la production sont confiées à James Harmon Brown et Peter Dunne, le second ayant déjà fait ses preuves sur Knots Landing, le petit frère, tandis que le premier se consacrera ensuite à la dernière saison de Dynasty, concurrent avoué de Dallaslancé en décembre 1981 par ABC.

Cette neuvième saison de Dallas ne manque pas de moments forts, et les producteurs ont multiplié les atouts pour conserver leur public : Dusty Farlow et Mark Graison, amants respectifs de Sue Ellen et de Pamela, sont réintroduits dans l’histoire, la belle Merete Van Kamp, remarquée dans une adaptation télé du best-seller de Judith Krantz Princesse Daisy, ainsi que George Chakiris, l’un des acteurs vedettes de West Side Story, sont engagés pour plusieurs épisodes, et, surtout, on compte sur la présence sulfureuse de Barbara Carrera, James Bond-girl de Jamais plus jamaisavec Sean Connery, pour attirer le public. En vain. L’absence de Bobby se fait sentir dans les sondages, et si les premiers épisodes de la saison, mettant l’accent sur les conséquences de sa disparition, maintiennent l’intérêt des fidèles, très vite la désaffection du public devient évidente. Larry Hagman, pourtant, a réussi un coup de maître en convainquant Barbara Bel Geddes de revenir tenir son rôle de maman Ewing. Mais la chute a commencé, et le pire est encore à venir.

 

Barbara Carrera, de James Bond Girl à JR au féminin (saison 9)

 

Car voilà que Patrick Duffy, à qui une série de téléfilms sans grande envergure n’a pas apporté le succès escompté, revient tout penaud pour reprendre sa place dans l’équipe, poussé il est vrai par un Larry Hagman qui entend de plus en plus diriger son monde. Les solutions imaginées pour justifier le retour de Duffy dans la série sont nombreuses. L’une des plus fréquemment rapportées concernait l’existence d’un jumeau maléfique du gentil Bobby, qui aurait permis à l’acteur de jouer les méchants. Une autre, certainement la plus vraisemblable, expliquait que Bobby aurait pu être ramené à la vie mais aurait voulu cacher sa « résurrection » à sa famille. Et pourtant... Au grand dam de milliers de téléspectateurs, c’est la solution la plus invraisemblable qui est finalement retenue : Bobby n’est jamais mort, son décès n’a été qu’un cauchemar de Pamela. Le hic, c’est que ce cauchemar a quand même duré trente-et-une heures, la saison 1985-1986 ayant été la plus longue jamais tournée pour la série. Trente-et-une heures bourrées de détails sur les destins croisés de tout le casting, c’est un peu dur à avaler, même pour les fidèles, qui se prennent à douter de leur attachement à la série !

Malheureusement, le mal est fait. La saison s’achève sur une scène tournée dans le plus grand secret, au cours de laquelle Pamela, réveillée par un bruit d’eau, se lève de son petit lit douillet et marche vers la salle de bains, où elle découvre, éberluée comme tout un chacun (devant le poste), un Bobby souriant se savonnant tranquillement sous la douche, et lui adressant un « Good Morning » tout ce qu’il y a de plus naturel. Une scène qui suscitera l’interrogation de bien des fans pendant l’interruption de l’été, et qui sera reprise en ouverture de la dixième saison, quelques mois plus tard.

 

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